HistoireLa grandeur d'un homme se mesure à la pointure de ses chaussures.
CHAPTER ONE - Noah ; 7 ans
Fils du Malin.
Il ramène ses jambes vers son corps. Un soupire. Sur la télévision, dans son regard : de la neige. Les flocons s'entassent. Amorphe, il entend à peine la clé de la porte tournée. Quelqu'un entre. Des pas. Il sursaute. Ses paumes bouchent ses oreilles. Il pince les lèvres, ferme les yeux jusqu'à en avoir mal. On passe devant lui. Un courant d'air agite sa frange. Il se contient avec peine, lutte pour ne pas trembler. Dans sa poitrine, son cœur furibond manque d'éclater quand une main entre en contacte avec sa joue. « Qu'il est chou. » parvient-il à entendre. Alors, il soulève ses paupières. Deux prunelles bleues le regardent. Quelle est cette chose qui luit à l'intérieur ? Il ne reconnaît pas la tendresse. On ne peut reconnaître ce qu'on n'a jamais vu.
Il se redresse, balaie rapidement le salon du regard. Il est là. Son père, affalé sur le fauteuil, à deux pas.
Il détourne les yeux, serre les poings. Un sourire. Le charme d'une femme. « Elle est jolie. » pense t-il en admirant ses boucles blondes suspendues sur ses épaules. Si la peur ne le tétanisait pas, il avancerait la main pour les toucher. « Est-ce qu'elles sont aussi douces qu'elles en ont l'air ? »
« Viens par là, toi ! » coupe le père en la tirant à lui par le bras. Amusée, elle rit tandis qu'il l'embrasse sur le front, sur le nez, sur les lèvres.
« Pas devant lui enfin ! » glousse t-elle en jetant un regard en biais vers l'enfant.
« Il est jeune, il s'en fiche. » rétorque l'homme en baisant à nouveau sa bouche.
Elle refuse de continuer. Ici, tout du moins. Elle l'entraîne dans la chambre. Il la suit. Ses lèvres s'étirent. Avant de disparaître, il tient à mettre sa progéniture en garde.
« Tiens toi tranquille ou sinon... »
Il n'a pas besoin de terminer sa phrase. L'enfant acquiesce. Derechef, il laisse tomber son corps sur le canapé et se recroqueville. Il appuie plus fort sur ses oreilles, ferme plus violemment les yeux. Mais il ne parvient pas à étouffer totalement le hurlement qui s'échappe de la chambre. Crispé depuis trop longtemps, chaque muscle de son corps le fait souffrir. Il a la migraine. Un coup dans l'épaule, l'oblige à se redresser. Revenu, son père le hisse sur ses jambes. Il regarde ses mains, horrifié. Pleine de sang.
« Ne reste pas planter là ! Va chercher la pelle ! » hurle le démon.
Il s'exécute. Aussi rapidement que son petit gabarie lui permet. Il ne réfléchit pas. Il ne réfléchit plus. Il revient, une pelle dans la main. Son père est sur les lieux du crime, il le rejoint. A la vue du cadavre, il laisse tomber l'outil.
« Je vais chercher la serpillère. Tu bouges pas. »
Il disparaît. A demi-conscient, Noah s'avance et s'accroupit. Là, il enroule ses doigts autour d'une mèche de cheveux de la défunte. « Aussi doux... »
CHAPTER TWO - Noah ; 11 ans
«
Tiens toi droit. »
Il se redresse.
«
Et ne met pas tes coudes sur la table. »
Il ramène ses bras sur ses genoux. Au bout de la table, tous les regards sont tournés vers lui. Le nouveau. Le nouvel enfant de la famille de Beaumont. Adorable famille d'adopter un enfant pourvu de tels gènes. On en parle encore aujourd'hui : de ce père meurtrier, déséquilibré. Et, on regarde son rejeton. On attend qu'il se trahisse lui aussi. Comme si, son vécu et le destin ne lui permettaient pas d'être autre chose qu'un monstre. Alors, il se tient bien, écoute et obéit.
«
Voulez-vous une nouvelle portion ? » lui demande l'employé de maison.
Que dire ? Il ignore la bonne réponse. Son indécision l'oblige à se taire.
«
Et bien, Noah, répond. » l'encourage sa nouvelle figure maternelle.
«
Non. Merci. » formule sa bouche «
Oui, s'il vous plaît ! » crie son estomac.
«
Il est bizarre. » Glisse son nouveau frère aîné au cadet.
«
Carrément. » Ajoute ce dernier.
«
Noah, tes coudes ! » s'irrite le père de famille.
Il lâche la fourchette qu'il s'apprêtait à avaler. Elle tombe sur l'assiette. Le bruit du choc résonne dans la grande salle-à-manger. La mère soupire, les enfants gloussent. Le père se tourne vers eux avec sévérité. Ils se taisent.
Le repas se termine. Le nouveau, n'a rien mangé.